CHAPITRE 6 : SUZANNE
� Tu sais o� on est ? demanda une voix d`homme.
— C`est toi qui as choisi, non ? �
Suzanne avait mal � la gorge. Articuler 閠ait douloureux. Penser aussi. Un monotone bruit de vague sortant des enceintes int間r閑s au matelas lui martelait les tympans.
Son ventre se tordit. Elle mourrait de faim, mais � l`id閑 d`avaler quelque chose, son estomac se crispa.
Sur la table de chevet, le verre d`eau 閠ait presque vide. Lorsqu`elle le porta � sa bouche, elle eut la d閟agr閍ble surprise d`y trouver du whisky.
� Alpha du Centaure, non ? continua l`homme.
— Bien s鹯 que c`est Alpha du Centaure. Ces 閠oiles sont notre destination de r陃e, r閜ondit Suzanne en se massant les tempes du bout des doigts. Tu veux que j`imprime des sushis ? �
Dans un ultime effort, elle parvint � se redresser. Elle eut la sensation que son cerveau se retournait dans sa boite cr鈔ienne et dut s`appuyer contre sa table de chevet. Le verre roula le long du matelas pour se fracasser sur le sol.
Elle retint un juron. Son mal de t阾e s`accentua. Ce dernier n`閠ait pourtant rien compar� aux courbatures qui lui paralysaient les cuisses et le bassin. La jeune femme voyait flou, mais elle put discerner Thomas en face d`elle.
� Non, 鏰 ira. �
Il avait le visage coll� � la vitre de l`appartement. Dans le reflet se dessinaient ses lunettes aux montures d`acier, son nez aquilin et les quelques boutons d`acn� qui persistaient � ponctuer ses joues malgr� une adolescence presque r関olue. Il 閠ait nu. Tout comme elle sous les draps blancs.
Face � lui se profilaient les trois soleils d`Alpha du Centaure et son unique exoplan鑤e. Proxima Centauri B, ville-plan鑤e fictive tentaculaire et sans limites. � l`horizon, au-del� de la jungle de b閠on se dessinaient les aurores bor閍les cr殚es par les vents solaires qui frappaient le bouclier atmosph閞ique surplombant les n閛ns de pictogrammes japonais.
Thomas et Suzanne choisissaient toujours cette illusion d`un futur inatteignable quand ils avaient un 関閚ement � f阾er. Ils r陃aient d`aller explorer les 閠oiles et y b鈚ir des m間alopoles dignes de ce que l`humanit� pouvait faire de mieux.
� en croire la lettre en papier de correspondance sur laquelle Suzanne venait de poser le pied, ils avaient bel et bien 閠� re鐄s tous les deux � Harvard. Il sera bient魌 temps de quitter enfin l`Europe pour rejoindre la bruine de la Nouvelle-Angleterre.
Sans y pr阾er plus attention, elle tituba maladroitement jusqu`� la salle de bain en qu阾e d`aspirine avant de reprendre la conversation :
� Tu sais ce que j`aimerai visiter avant ? Car soyons honn阾e ce n`est pas pr鑣 d`arriver des colonies sur Alpha Centauri&
— Quoi donc ? fit Thomas, visiblement tr鑣 d殓u.
— Tokyo. Et pas avec une holochambre ! �
Il y eut un silence, finalement bris� par son interlocuteur.
� Tu es au fait que si tu le souhaites on peut y aller d鑣 ce soir ? Je ne sais m阭e pas pourquoi on paie ce programme pourri. �
Elle l`entendit tapoter l`un des 閏rans tandis qu`elle se servait un verre d`eau. Dans ces h魌els bas de gamme, il n`y avait pas de dro飀e pour le faire � votre place.
� Que veux-tu dire ? � demanda-t-elle entre deux gorg閑s.
Le jeune gar鏾n se retourna et la rejoint dans la salle de bain. Lui caressant les hanches, il se dirigea ensuite vers la douche italienne.
� La Lionheardt a des bureaux � Shibuya. La section robotique. Il est grand temps que j`y fasse un tour. �
Suzanne 閠ait confuse. Elle crut d`abord avoir mal entendu.
Pourquoi lui parler de bureaux � Shibuya ? pensa-t-elle. Lui qui n`avait encore jamais quitt� le vieux continent.
Suzanne referma le robinet.
Venait-il de dire � la Lionheardt � ? Quelle Lionheardt ? Son p鑢e 閠ait riche, mais qu`un simple avocat londonien. Il n`avait jamais poss閐� de soci閠� multinationale.
Dans le reflet du miroir, elle aper鐄t le dos de son petit ami. Lorsqu`il se retourna, ses boutons d`acn� avaient disparu. Il n`avait plus de lunettes et ses traits apparurent comme plus durs. C`閠ait toujours Thomas. Mais il venait de prendre quinze ans.
� Tom ? dit-elle, la voix tremblante.
— Oui ?
— On vient d`阾re accept� � Harvard. C`est quoi ces histoires de bureaux � Tokyo ? �
Le visage de son amant avait d閟ormais retrouv� son aspect adolescent. Il 閠ait de nouveau le lyc閑n prodige.
Tom la fixa, le regard vide. Il balbutia :
� Je crois que je ne sais pas o� je suis. �
Le corps de Thomas, tel un pantin d閟articul�, tomba au sol dans un bruit mat. Les 閏rans longeant la chambre s`閠eignirent ne laissant pour lumi鑢e que la minuscule lampe de chevet et le n閛n violet de la salle de bain.
Suzanne bondit en direction de son petit-ami, mais il se volatilisa entre ses doigts.
� sa place se tenait une femme � la peau blanche et � la chevelure brune. Elle 閠ait morte. Un trou b閍nt rempla鏰it son estomac. On lui avait tir� dessus et le sang avait maintenant s閏h�. Elle lui ressemblait comme deux gouttes d`eau. Suzanne eut un haut-le-cSur en se reconnaissant.
Alors que les lumi鑢es s`閠eignirent, une main l`agrippa pour la tra頽er en arri鑢e. C`閠ait une poigne de m閠al, froide comme de la glace. Suzanne se d閎attit avant de se redresser.
D閟ormais, elle se retrouva assise � l`arri鑢e d`un bateau. Une petite embarcation qui naviguait sur un lac brumeux. Au loin se dessinaient les tours immenses d`une ville. Elles 閠aient noires et d閏hir閑s.
Un homme guidait la barque. Il avait un large chapeau de feutre, une 閏harpe tach閑 qui lui recouvrait la bouche et des lunettes teint閑s. � sa ceinture pendait une 閜閑.
蓆ait-ce le passeur ? 蓆ait-ce l� le Styx et les Enfers ?
L`individu n`閠ait pas seul. Il avait un compagnon. Un adolescent aux cheveux roux qui, lui aussi, lui tournait le dos. Il veillait sur quelque chose. Les couvertures le dissimulaient.
Quelqu`un peut-阾re ? s`imagina Suzanne.
Une onde passa sur l`eau. L`homme au chapeau ne l`avait pas remarqu�. L`enfant non plus. Cette onde provenait des profondeurs du lac et elle disait :
� O� es-tu ? �
Cela ressemblait � Thomas.
� Tom ? demanda Suzanne, la voix toujours tremblante.
— Je te vois. �
Un vent venu de la cit� souffla. Il 閠ait chaud et moite. L`homme � la proue mit une main sur son chapeau. L`enfant enveloppa sa cargaison, mais les couvertures se soulev鑢ent. L� gisait une femme. Une femme aux cheveux bruns et � la peau blanche.
� Qu`est-ce que c`est que& s`閠ouffa Suzanne lorsqu`elle se reconnut une fois encore, allong閑 quelques m鑤res plus loin.
— Je pense que nous avons fait d`immenses progr鑣. �
Elle sursauta. L`homme au costume jaune 閠ait assis � ses c魌閟 et esquissa un rictus. Pass� l`閠onnement, elle assaillit ce visiteur de questions auxquelles il mit un terme d`un mouvement de la main. Cela ne fit que l`閚erver davantage.
� Vous ! Vous ! C`est vous qui me suivez depuis& �
Elle eut une migraine. L`individu continuait de sourire.
� O� suis-je ? O� est Tom ? Il m`a conseill� de me m閒ier de vous ! � reprit-elle.
Elle n`allait pas abandonner de sit魌 et 鏰, l`homme au costume jaune le comprit finalement.
� Tom ? Tom n`est pas de mon ressort malheureusement. Et je doute qu`il vous ait dit de vous m閒ier de moi.
— Alors& commen鏰 Suzanne, confuse. Vous ne l`entendez pas ? Vous ne le voyez pas vous aussi.
— Je pense que vous devriez vous concentrer sur votre personne, r閜ondit son interlocuteur.
— Moi ? �
L`inconnu d閟igna du menton les deux hommes et son corps inanim�. Suzanne jeta un bref regard dans leur direction. Elle avait peur de quitter des yeux cet homme 閠range. Il risquait une nouvelle fois de s`閏lipser comme dans les Alpes.
Lorsqu`elle revint vers lui. Il 閠ait toujours l�, pointant cette fois-ci de son parapluie jaune le jeune rouquin qui veillait sur sa propre d閜ouille.
� Ces gens pourront vous aider. Moi, ma t鈉he doit se poursuivre, dit le Panafricain.
— Quelle t鈉he ? Qui 阾es-vous ? reprit Suzanne avant de saisir l`homme par le col de sa chemise. On est o� bon sang ?
— Votre esprit est entier et vous 阾es en vie. C`est tout ce dont je devais m`assurer. Il y a, h閘as, quelques cognitions incompl鑤es, mais tout rentrera dans l`ordre bien assez t魌, lui expliqua-t-il myst閞ieusement. Je dois y aller. J`ai encore du travail, voyez-vous.
— Il est hors de question que& �
Mais la personne au costume jaune s`閠ait volatilis閑 entre ses doigts. Il ne restait de lui qu`une odeur de chocolat chaud et de cannelle.
� Ne me& � s`閠ouffa-t-elle avant de se r関eiller d`un coup dans des couvertures sales.
Le gar鏾n aux cheveux roux s`閠ait tourn� vers son camarade � l`avant du bateau et ne l`avait pas aper鐄 ouvrir les yeux. Vive d`une 閚ergie retrouv閑, Suzanne sentit sa main saisir alors l`une des rames.
Il n`est pas question que je poursuive cette folie !
Puis tout s`encha頽a tr鑣 vite.
Lorsque l`homme au chapeau s`関eilla enfin, ses grimaces t閙oign鑢ent d`un mal de t阾e sans pr閏閐ent. Du sang avait s閏h� � la commissure de ses l鑦res. Son coup avait 閠� plus fort que pr関u.
� Je suis vraiment d閟ol�, Monsieur, lui dit le rouquin qui s`閠ait r関eill� quelques secondes plus t魌.The author`s tale has been misappropriated; report any instances of this story on Amazon.
— Octave ? Tu m`as broy� les synapses ! � balbutia l`individu au couvre-chef avant de cracher dans l`eau.
Leur langue 閠ait un m閘ange d`allemand et de fran鏰is. L`enfant s`appelait donc Octave. Lui aussi, elle l`avait attach� tant bien que mal avec les quelques cordes que contenait le sac de l`inconnu � la proue. De celui-ci elle avait bien entendu vol� l`閜閑.
� Je ne suis pas en meilleure posture, comme vous pouvez ais閙ent le constater �, lui fit remarquer le rouquin tandis que Suzanne glissait la lame sur son cou.
Crachant de nouveau, l`homme au chapeau s`adressa enfin � elle :
� Ravi de vous voir enfin debout. Que signifie donc cette mascarade ?
— O� sommes-nous ? demanda s鑓hement Suzanne qui sentait d閖� ses forces se d閞ober.
— Sur un lac �, r閜ondit son interlocuteur qui pensait ainsi jouer au plus malin.
Il se ravisa lorsqu`elle planta la pointe de son arme sur le muscle de son 閜aule gauche.
� Sur le lac d`Argent ! Je ne sais pas comment on l`appelait � votre 閜oque. L�-bas, en tout cas, c`est la cit� de Renaissance. Notre destination. �
Lac d`Argent ? Renaissance ? Mon 閜oque ?
Suzanne examina l`閜閑. C`閠ait un bel ouvrage authentique digne d`un mus閑.
Que signifie tout cela ?
L`agglom閞ation derri鑢e elle, avec ses hautes tours noires, 閠ait Lucerne. Elle le savait, car il y avait travaill�. La plus 閘ev閑 閠ait celle d`un laboratoire pharmaceutique poss閐� par Thomas. La seconde, avec son d鬽e rond 閠ait celle d`une banque suisse dont le nom lui 閏happait.
� Que voulez-vous dire ? Mon 閜oque ?
— Elle l`ignore donc& � l鈉ha le rouquin.
Tous deux s`閏hang鑢ent des regards. Une g阯e s`installa dans l`embarcation.
� Je vous sugg鑢e de poser cette 閜閑 quelques instants �, lui conseilla l`homme au chapeau.
Suzanne s`ex閏uta. L`arme 閠ait lourde. Il faisait si chaud malgr� la fra頲heur de l`eau. Elle ferma les yeux plus longtemps que pr関u. Un bref moment, son esprit avait manqu� de s`閏lipser. D閖�, la panique l`envahissait. Une main glac閑 remontait � son cSur depuis son estomac.
Suzanne poss閐ait cette terrible intuition que les prochaines paroles de ses interlocuteurs allaient changer sa vie � jamais.
� Mon nom est Erol Feuerhammer et nous sommes en l`an 3033. �
Suzanne se figea. Les griffes de givres resserr鑢ent leur 閠reinte et elle perdit conscience.
Un filet d`eau fra頲he la tira subitement des abysses. Erol et son acolyte dont elle avait d閖� oubli� la d閚omination se tenaient au-dessus d`elle. Pendant le court laps de temps o� elle avait perdu connaissance, ils 閠aient arriv閟 � se d閠acher et l`閜閑 avait 閠� rendue � sa propri閠aire.
� Pouvez-vous vous redresser sans nous assommer � coup de rame ? � demanda le d閚omm� Erol.
Le jeune gar鏾n � la cicatrice lui tendit sa main et elle parvint � s`asseoir contre le rebord de la barque. Elle avait envie de vomir, mais se retint. Il lui proposa ensuite sa gourde.
� Avez-vous soif ? Faim peut-阾re ?
— Nous sommes en 3033& � murmura Suzanne qui n`avait pas entendu la question.
Les paroles de l`homme au chapeau r閟onn鑢ent dans son esprit.
� Comment ? �
Son interlocuteur la d関isagea. Avant de r閜ondre, il ordonna � son acolyte de prendre les rames de l`embarcation.
� Vous 閠iez dans une sorte de cercueil en verre. Un caisson d`hibernation, tr鑣 certainement. 莂 vous dit quelque chose ? �
Suzanne fouilla dans sa m閙oire. Ce fut un exercice difficile, comme visionner un film � l`envers o� des morceaux manquaient. Elle avait connaissance de ces caissons.
Ces chambres de plastique blanc, mais la cryog閚ie ? Non. Cela n`avait jamais 閠� au point. Pas pour de si grandes p閞iodes. Pas pour des 阾res humains. Impossible.
� Quelle est la derni鑢e chose dont vous vous souvenez ? � demanda Octave.
Suzanne fron鏰 des sourcils. Elle se rappelait de peu. R閏emment ses songes avaient 閠� si confus. Lesquels pouvaient relater les ultimes 関閚ements en question, mais de 鏰 elle n`en 閠ait pas s鹯e.
Suzanne repensa alors son r陃e dans le bureau de Tom et dans la salle de bain de l`h魌el. Instinctivement, elle porta la main � son ventre. Il n`y avait rien. Pas de trace de balles. Pas de sang.
� Savez-vous en quelle ann閑 j`aurai pu 阾re... mise en hibernation ? � demanda-t-elle enfin quand elle put articuler ses pens閑s.
Suzanne en avait une petite id閑, mais cela 閠ait insens�. Mais Erol fit non de la t阾e.
L`image de l`homme au costume jaune lui vint ensuite � l`esprit. Lui aussi hantait son pr閟ent et souvenir pour une raison qui lui 閏happait encore.
� Avez-vous& r関eill�& ou bien croiser un individu avec un uniforme& jaune ? Il a la peau noire.
— Non. Vous 閠iez seule dans ces souterrains.
— Souterrains ? Quels souterrains ?
— On vous a trouv� dans un complexe secret. Creus� dans les profondeurs de la montagne. Sous le Dammastock. �
C`閠ait un bon d閎ut. Je travaillais dans un laboratoire dissimul� sous la terre. Ma cryog閚ie forc閑 avait donc un rapport avec la Novan-Kamiru. Ou bien plut魌& Mon doctorat. La biologie et la cybern閠ique. La Lionheardt Corporation.
Elle se rem閙ora sa discussion � GrandLyon avec Tom.
Oui. Je travaillais sur ces tissus organiques dans un complexe de recherche sous le Dammastock.
Remonter ses souvenirs lui broya les neurones. Un mal de cr鈔e terrible se d閏lara et elle dut fermer les yeux en se massant les tempes. C`閠ait son r閒lexe.
Elle avait d� susciter de la piti� de la part de ses ravisseurs, car la voix d`Octave 閠ait d閟ormais plus douce. Erol, lui, tenait toujours fermement son 閜閑 tout en se frottant la nuque.
� 蒫outez. Nous n`avons rien contre vous, � reprit Octave avec un sourire.
Erol, en retrait, la regardait maintenant droit dans les yeux par-dessus ses lunettes rondes.
� Octave et moi-m阭e vous avons sorti de l�-dessous. Nous vous emmenons � Renaissance, par-del� le lac, fit-il en ramant de nouveau. C`est une ville qui a quelque peu chang� depuis la derni鑢e fois que vous avez d� la fouler, mais l�-bas se trouve un& un ami � moi. Il pourra vous aider.
— M`aider � quoi ? r閜ondit Suzanne en laissant 閏happer une larme qui 閠ait la premi鑢e depuis une 閠ernit�. Tous ceux que je connaissais doivent 阾re morts. Tom aussi.
— Si vous 阾es en vie. Pourquoi pas ce Tom ? � ajouta Octave plein d`espoir.
Il marque un point, pensa Suzanne.
L`espoir 閠ait cependant tr鑣 mince.
� C`est vrai que si on vous a ressuscit�, pourquoi pas lui ou quelqu`un d`autre ? D`ailleurs qui est ce Tom ? L`homme � la peau noire ? � demanda Erol.
Suzanne leva les yeux au ciel. Quelques flocons jaunes vinrent se poser sur son front. Ils n`閠aient curieusement pas froids.
� Non. Non. C`閠ait& �
Elle ne savait que r閜ondre � cette question. Thomas et elle avaient 閠� amants puis coll鑗ues. La derni鑢e fois qu`ils s`閠aient c魌oy閟 devait remonter au temps o� elle travaillait pour lui. Leur relation ant閞ieure 閠ait compliqu閑. Mais s`il y avait une chose qu`elle d閟irait le plus au monde actuellement, c`閠ait le retrouver.
� C`閠ait un ami. Du lyc閑, puis de Harvard. Aux 蓆ats-Unis �, r閜ondit-elle enfin voyant ses deux interlocuteurs s`impatienter.
Elle se demanda si l`un d`eux devait conna顃re Harvard. Ou les 蓆ats-Unis.
� Vous ne vous rappelez pas l� o� il 閠ait avant le& comment dire& h閟ita Erol.
— Avant la fin du monde et que mes deux sauveurs mille ans plus tard ressemblent � des& sans-abris ? �
Erol et Octave rest鑢ent bouche b閑. Elle avait parl� si vite. Ils n`avaient visiblement rien compris de ce qu`elle voulait dire. Avec un peu de recul, cela 閠ait pr閒閞able. Elle reprit donc plus doucement :
� Qu`est-ce qui s`est pass� ? Et quand ? �
Suzanne sentit de nouveau une main glac閑 se faufilait � travers ses entrailles. Ces interrogations venaient de lui traverser l`esprit. Ce n`est pas comme 鏰 qu`elle avait imagin� le futur.
Erol avait d� deviner ce nouvel exc鑣 de panique et il lui posa sa main gant閑 sur le bras.
� Il serait plus sage de garder tout 鏰 une fois � Renaissance. Marian& l`ami en question. C`est un universitaire. Un technomancien et Fondateur.
— Vous avez mentionn� Harvard ? demanda Octave. � Renaissance il y a � peu pr鑣 la m阭e chose.
— Marian saura vous expliquer tout 鏰 mieux que nous. Je me chargerai de faire les pr閟entations et nous vous laisserons tranquille.
— D`ailleurs quel est votre nom ? s`enquit le jeune gar鏾n.
— Il est vrai que vous vous 阾es introduite de fa鏾n plut魌 sommaire et violente �, ajouta Erol.
Suzanne esquissa un sourire. Ils connaissaient Harvard. Erol et Octave 閠aient de curieux personnages. Pour peu qu`elle ait pu les tuer, ils le prenaient bien.
� Suzanne. Je me souviens de Suzanne.
— Et bien, Suzanne. Je ne peux que vous demander de vous reposer, car nous arriverons bient魌 � Renaissance ! �
Les deux tours jumelles surplombaient Lucerne. Le temps les avait r閐uits au rang de squelettes m閠alliques, mais celle appartenant � la Lionheardt Corporation semblait toujours occup閑.
Le long du lac s`閞igeaient de v閞itables remparts de pierre et d`acier. Des tours de garde ponctuaient la muraille avec, sur leur couverture de t鬺e, un 閠endard 閠range arborant un arbre creux. Erol lui pr閟enta comme le symbole de ce qu`il appela la Fondation. Mais Suzanne ignorait ce que cela pouvait signifier.
Selon son guide de fortune, Renaissance, de son r閏ent nom, 閠aient reconnaissables entre toutes les villes de cette 閜oque nouvelle � l`immense d鬽e dor� tr鬾ant au sommet de la plus haute des collines. L�, Suzanne identifia l`ancien stade de Football.
Ce qu`elle avait maintenant devant les yeux 閠ait une preuve irr閒utable. Le monde. Son monde avait disparu, englouti et recrach� dans un futur qu`elle n`aurait jamais imagin�. Mais on 閠ait loin du cauchemar attendu.
Le d鬽e surplombait ce que les habitants appelaient Belleville, le quartier ais� de la cit�. Il 閠ait s閜ar� des autres par une seconde enceinte plus rustique de bois et de barbel閟.
Plus on s`閘oignait du centre de la ville, moins les immeubles 閠aient hauts et plus ils 閠aient d閘abr閟. Peu � peu, des 閛liennes dansaient au gr� du vent, alimentant une 閘ectricit� par un r閟eau bricol� avec les moyens du bord.
Selon Erol, la v閞itable beaut� des faubourgs se d関oilait � la tomb閑 de la nuit quand les enseignes de n閛ns s`illuminaient et que les hologrammes publicitaires haranguaient la foule. Cette description surprit Suzanne, elle qui s`attendait � s`aventurer dans une m間alopole moyen鈍euse.
Avec sa centaine de milliers d`habitants originaires de toutes les provinces avoisinantes de la Fondation, la cit� de Renaissance resplendissait de vie. Depuis le lac, Suzanne put 阾re t閙oin du fourmillement des r閟idents qui allaient et venaient au fil des sentiers commer鏰nts qui remontaient les collines.
Puis, doucement, Erol les guida vers les docks. Longeant un canal am閚ag� et serpentant au pied de la colline du d鬽e, c`閠ait un enchev阾rement anarchique de hangars, pontons et autres usines. C`閠ait aussi le faubourg le plus malfam�. Son nom, la P阠herie, provenait de l`inf鈓e odeur de poisson rance qui se d間ageait des insalubres ruelles.
Mais l`immonde spectacle qu`offrait la P阠herie et le reste des environs du lac constituant ce qu`Erol appelait la Ville-Basse s`関anouissent peu � peu pour laisser place � une ambiance plus paisible.
La partie nord du canal 閠ait surplomb閑 par une tour de pierres blanches dont le toit en pointe dominait de son ombre les masures des commer鏰nts et des bourgeois ayant choisi la s閞閚it� de cette vall閑 en autarcie. L� des enfants jouaient sur les quais de brique, de jeunes gens se promenaient au gr� des 閠ales et des v閠閞ans, selon les dires d`Erol, racontaient leurs aventures � qui souhaitait les entendre. Elle y per鐄t pour la premi鑢e fois depuis longtemps le chant des oiseaux.
� L`Arsenal. C`est mon quartier favori �, souligna le rouquin en essuyant la sueur qui perlait de son front.
Quelques minutes plus tard, le canal devint de plus en plus sauvage et les trois voyageurs quitt鑢ent les abords de la capitale.
� Je croyais que nous nous rendions � Renaissance, s`inqui閠a Suzanne qui voyait les derniers faubourgs de la cit� dispara顃re au profit d`une jungle scl閞os閑 par une cendre jaune.
— Nous allons directement � l`Universit�. Les Fondateurs& �
Bient魌, on ne distingua plus que le sommet de la tour Lionheardt.
� Ceux qui ont fond� la ville, expliqua Octave.
— Oui exactement. Les Fondateurs l`ont d閘ocalis� � quelques encablures. Le cadre est beaucoup plus& calme. Nous y serons sous peu �, la rassura Erol qui avait de plus en plus de mal � articuler.
L`閜uisement se lisait sur le visage de l`homme au chapeau. Mais le jeune gar鏾n semblait le plus atteint. C`est � peine s`il pouvait continuer � ramer.
Suzanne, elle aussi, commen鏰it � fatiguer de ce voyage malgr� les milliers de questions qui lui picoraient l`esprit. Mais il fallait se mettre en qu阾e de Tom. Il y avait peu de chance que ce Marian puisse la guider sur ce point, mais elle avait appris une chose aupr鑣 de lui : ce dernier 閠ait plein de surprises.
� Voil� ! C`est ce grotesque b鈚iment de m閠al, derri鑢e la digue de pierre, lan鏰 soudainement Erol en pointant un 閐ifice rouge de rouille qui se d閙arquait de la futaie grise.
— Un destroyer de l`ENC ? Vous avez construit votre Universit� dans la carcasse d`un vaisseau de guerre europ閑n �, constata Suzanne.
Elle 閠ait tr鑣 閠onn閑. Lors de la r閔abilitation de l`ancienne forteresse volante de l`European Navy Corp en Universit�, les ing閚ieurs et les architectes du futur avaient vraisemblablement r閍lis� un v閞itable chef-d`Suvre.
� Certaines pi鑓es d`artillerie marchaient encore quand j`閠ais enfant �, lui sourit Erol avant de tomber � la renverse dans l`embarcation.
Ils venaient de heurter l`un des chalands qui mouillaient pr鑣 des berges.
� Monsieur ? demanda Octave d`une voix faible. Est-ce normal que personne ne se trouve sur le ponton � cette heure avanc閑 ? �
Erol se releva et invita la jeune femme � le rejoindre sur la terre ferme. Puis il tendit la main � son compagnon avant qu`une violente explosion ne secoue l`ancien b鈚iment de guerre.