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CHAPITRE 10 : SUZANNE

L'Empire de Cendres Space Pickle 25728Words 2024-03-27 13:54

  Suzanne avait c閐� � un moment de panique. Les paroles d`Erol r閟onnaient encore dans sa t阾e.

  � Drogu閑 ? Diss閝u閑 ? Revendue ? � pleura-t-elle apr鑣 avoir quitt� l`Antre de Bacchus par une porte laiss閑 entrouverte.

  Le peu de confiance qu`elle avait eu en lui 閠ait d閒initivement 閎ranl�. La jeune femme erra presque toute la nuit. Le m閍ndre de rues 閠ait des plus chaotiques. Elle ne savait ni o� elle 閠ait, ni ce qu`elle devait faire. Un vertige la saisit au d閠our d`une petite place ombrag閑 par des colonnes de pierres grav閑s. Elle posa sa main moite et tremblante sur son front.

  � Menteur de Feuerhammer. Mais dans quoi me voil� embarqu閑 ? cria-t-elle en prenant appui sur un tonneau en plastique. C`est du grand d閘ire ! �

  En moins de vingt-quatre heures, Suzanne avait travers� un pays qu`elle ne reconnaissait plus, vu des villes qui ne ressemblaient en rien � ses souvenirs et 閏happ� peut-阾re une fois de plus � la mort. Le visage d`Octave, broy� � la masse lui revenait sans cesse � l`esprit. Ceux du Juge et de cette 閠range nonne aussi.

  Au matin, elle s`aper鐄t que les rues 閠aient fleuries. Arbres et v間閠ation sauvage d閏oraient les larges trottoirs abritant les pi閠ons des chevaux ou autres animaux exotiques. Par moments Suzanne croisa des bicyclettes, mais leurs conducteurs semblaient autant se d閎attre avec les pav閟 qu`avec leur 閝uipement rouill�. Ils partageaient la chauss閑 pav閑 avec des drones de s閏urit� qui zigzaguaient entre les passants et les chevaux.

  Les habitants des beaux quartiers 閠aient mieux habill閟 que les pr閏閐ents badauds des docks. Les toges multicolores des hommes rappelaient l`antiquit�. Les femmes portaient des robes amples presque transparentes. Nombreux 閠aient ceux qui poss閐aient des ombrelles les prot間eant de la fine neige jaune qui tombait par intermittence. Personne ne voulait encrasser les abondants implants qui parsemaient leur corps ou rempla鏰ient leurs membres.

  Les visiteurs 閠aient facilement identifiables. Eux endossaient des v阾ements de voyage. Capes, bottes, chapeaux � bords larges. Le cuir 閠ait cette fois-ci de rigueur. Ils n`arboraient pas de parasols, mais occasionnellement des masques ou des foulards. Ils poss閐aient aussi moins d`implants et les faisaient plus discrets.

  Suzanne longea les colonnes de la place jusqu`� arriver � une intersection quand, surgissant de nulle part, une cavali鑢e manqua de l`閏raser.

  � Regarde o� tu vas, idiote ! s`exclama celle-ci avec un intense accent fran鏰is, tirant de toute ses forces sur les r阯es de sa rosse. Traverse maintenant ! �

  Elle 閠ait press閑 et n`oublia pas de le faire remarquer. Son fusil glissa de son 閜aule et Suzanne constata qu`il lui manquait un Sil. Ses excuses se perdirent dans le brouhaha de la rue et la cavali鑢e reprit sa route.

  Une centaine de m鑤res plus loin, une agr閍ble odeur de brioche r関eilla les papilles de la jeune femme. Elle regrettait d閟ormais de n`avoir rien emport� du cabaret.

  Le doux parfum de pain chaud provenait d`un march� en pleine 閎ullition. Celui-ci remplissait des halles � l`ombre d`un grand clocher recouvert d`閏hafaudages.

  L�, une foule faisait ses emplettes ou discutait bruyamment en se rassasiant sur les nombreuses terrasses des auberges et tavernes avoisinantes. Il y avait 間alement des dizaines d`閏hoppes. La moiti� proposait diverses vari閠閟 de champignons, dont certains que la jeune femme n`avait jamais vus.

  Suzanne s`immis鏰 dans la populace, aussi discr鑤e que possible. Dans la cohue, personne ne semblait s`int閞esser � elle. La curiosit� l`emporta finalement sur la faim et l� elle se perdit au cSur du march�.

  Elle passa pr鑣 d`閠ales color閑s d`閜ices et de fruits. Certains lui rappelaient des souvenirs tandis que d`autres paraissaient sortir de laboratoires g閚閠iques comme ceux propos閟 par Sileo.

  Apr鑣 avoir go鹴� l`un d`entre eux dans une coupelle, elle vit un riche n間ociant commencer � haranguer la foule. Sur une caisse en bois, il disposait devant son public des poulets sans plumes au visage porcin. Les monstres couinaient en faisant battre des ailes rachitiques. Rien n`entacha cependant la bonne humeur des passants qui rirent � gorge d閜loy閑 face � ce cocasse spectacle puis se dispers鑢ent.

  C`est � ce moment-l� que Suzanne remarqua alors un 閠al qui l`int閞essait. Un peu plus � l`閏art se tenait une 閏hoppe ambulante appartenant � un vieil homme.

  Deux orbites vides fix鑢ent la jeune femme au fur et � mesure qu`elle se rapprochait. � port閑, il se d間ageait des trous noirs une odeur naus閍bonde de charogne et de m閐icaments.

  � J`peux vous aider ? � demanda le marchand dans un hoquet.

  Sa voix ne provenait pas de sa bouche, mais d`une boite m閠allique soud閑 � sa gorge.

  Suzanne parcourut du regard l`閠al qui se tenait devant elle. Sur celui-ci 閠aient dispos閟 des dizaines d`implants de toute taille. En plastique ou en m閠al, la plupart 閠aient tr鑣 us閟 et certains poss閐aient encore de morceaux de chair par endroit. L`odeur 閠ait forte. De toute 関idence, ils avaient d閖� eu plusieurs propri閠aires. Sous des mod鑜es indiens bricol閟, elle reconnut des r閒閞ences am閞icaines flambant neuves :

  � Ce sont des implants auditifs intracr鈔iaux de la McGill ? Savez-vous s`ils fonctionnent ? �

  Le vieil homme paru offens�. Il mordilla sa quasi inexistante l鑦re inf閞ieure laissant apercevoir des gencives sans dents. � la place, de petits moignons noirs gisaient agonisants.

  � Bien s鹯 qu`ils carburent. Je n`vends pas de la camelote. La qualit� d閜end du prix. Ce dernier comprend l`installation.

  — L`installation ? Vous faites la chirurgie sur le square du march� ? Au milieu des animaux ?

  — Nous avons le mat閞iel pour 鏰 �, lui r閜ondit l`homme de sa voix fluette tout en d閟ignant les outils � sa ceinture.

  Les ustensiles 閠aient tous rouill閟 � l`exception du bras m閏anique en alliage suspendu au niveau de sa hanche.

  � Mon tentacule fait tout l`travail et nous le nettoyons � l`alcool synth閠ique. 莂 limite les risques de peste bionique, vous voyez ?

  — Et que fait celui-ci ? � demanda-t-elle apr鑣 quelques secondes de silence.

  Elle d閟ignait du doigt un implant en forme d`閠oile, de la taille d`une pi鑓e de monnaie. Il 閠ait le plus propre avec seulement une l間鑢e tache d`oxydation sur l`une des branches. Le visage du gnome s`illumina.

  � Alt閞ateur de sens ! Tr鑣 bon. 莂 a 閠� con鐄 � l`origine pour les personnes sourdes. Il traduisait une partie de la vision sous forme de sons. �

  Suzanne n`閠ait pas convaincue. D`autant plus qu`elle doutait toujours des talents de chirurgien de l`aveugle.

  Ce dernier devait lire dans ses pens閑s, car il r閜ondit � la question de la jeune femme en d閟ignant ses deux orbites.

  � 莂 ? Ce n`est rien. Perdus � la guerre. Je n`ai pas combattu, mais j`ai r閍lis� un peu de contrebande ! �

  Sur la fin, le bo顃ier parlant manquait de jus et les ultimes mots se transform鑢ent en quelconques jurons alors que le marchand tapotait son implant.

  � Je vais r閒l閏hir � la question et heu& demander l`argent � ma m鑢e, s`excusa la jeune femme tout en cherchant un moyen de se sortir de la situation.

  — Je vous le r閟erve ? Je ne vais pas tarder � fermer boutique pour la journ閑& les gens sont agit閟 � l`heure actuelle. Ils n`ach鑤ent rien. �

  Les huit prochains stands 閠aient aussi des 閠als d`implants. Il y avait des puces temporales, des proth鑣es m閏aniques et m阭e des modules de substituts d`organes. La qualit� n`閠ait pas meilleure, mais les vendeurs poss閐aient cette fois-ci leurs deux yeux. Certains, en revanche, ne d閠enaient pas leurs dix doigts.

  Suzanne s`閠onna que les habitants de Renaissance soient encore en vie 閠ant donn� la pauvret� des services chirurgicaux. La st閞ilisation des ustensiles et les antibiotiques avaient visiblement sombr� telle la civilisation.

  Il se devait d`exister des commerces plus respectables au cSur de la cit�, mais la jeune femme laissa cette qu阾e de c魌� pour l`instant. Erol devait d閖� 阾re � sa recherche et la mise en garde d`Octave r閟onnait toujours dans sa t阾e.

  Tant de questions la tourmentaient. Elle essaya de faire fonctionner son implant temporal, mais rien ne marcha. Celui-ci semblait d閒initivement hors service.

  Je ne vais quand m阭e pas le faire r閜arer ici, s`inqui閠a-t-elle en pensant aux ustensiles rouill閟 du marchand.

  Peu apr鑣, la cit� 閠ait devenue des plus denses. Partout les immeubles s`encastraient les uns dans les autres, les foules se d関ersaient dans les trottoirs et les all閑s se remplissaient de charrettes, carrosses et patrouilles de militaires.

  Toutes les odeurs se m閘angeaient, crottin, sang, sueur, m閠al, 閜ices, huile et urine. Un capharna黰 de crieurs de rue, marchands, ivrognes lui tambourinait les tympans.

  Le ciel, lui, virait de l`orange au jaune tandis qu`une averse fit 閙erger des parapluies au milieu des ombrelles.

  La jeune femme fut enivr閑 par cette danse fi関reuse � travers des boyaux plus 閠roits de la capitale. � bout de souffle, elle fut finalement bouscul閑 au sol. Autour d`elle, la foule s`閏artait enfin.

  Sous les statues rong閑s par les pluies acides, les badauds remontaient la plus grande rue que Suzanne n`ait jamais vue. Ou du moins en eut souvenir.

  L`avenue conduisait � un gigantesque palais en forme de d鬽e depuis lequel flottait un 閠endard arborant l`arbre fendu.

  � Vous en faites souvent des comme 鏰 ? �

  La voix 閠ait grave, caverneuse. Suzanne la reconnut aussit魌. C`閠ait celle de l`homme au costume jaune. Il 閠ait face � celle et souriait � pleines dents. La blancheur de ces derni鑢es contrastait avec sa peau noire recouverte de taches de rousseur. Il avait une fois encore un chocolat chaud � la main. Mais, cette fois-ci, il avait une fine odeur de beurre de cacahu鑤es.

  Autour d`elle, les rues et passages 閠aient d閟ormais vides.

  � Qui 阾es-vous ? Et qu`est-ce que c`est que cet endroit ? O� est la cit� ? � demanda Suzanne, 閚erv閑 par tant de myst鑢es.

  Le ciel avait abandonn� son voile. Elle y voyait le corps cosmique noir et sa couronne. Les blocs multicolores tournaient et s`entrechoquaient en parfaite harmonie.

  � Ce n`est plus le monde r閑l !

  — Le monde r閑l ? Il est l�, le monde r閑l, lui r閜ondit-il en d閟ignant le curieux astre lunaire et sa ceinture gravitationnelle.

  — Quoi ? C`est quoi 鏰 d`ailleurs ?

  — J`aimerais que nous en discutions, mais, malheureusement, il y a plus urgent. �

  Il y eut alors comme un 閏lair orange derri鑢e son dos.

  � Suzy ? �

  Suzanne se releva d`un bond. Dans un angle de la salle se tenait un petit 阾re rachitique.

  Sa peau 閠ait blanche et presque transparente. On pouvait y voir circuler son sang, bleu azur. Ses cheveux bruns 閠aient al閍toirement r閜artis sur son cr鈔e. Ses yeux globuleux mouill閟 de larmes la scrutaient. Ses membres 閠aient affreusement atrophi閟 et il lui manquait une bonne partie du torse et de la m鈉hoire.

  Pourtant Tom arrivait � lui parler.

  � Suzanne. C`est moi.

  — Je sais que c`est toi idiot. �

  Elle se dirigea vers son ancien amant. Elle pouvait se ressouvenir enfin. Le touchant ce qui lui restait de son bras gauche, elle se tourna vers l`homme au costume jaune, mais il 閠ait d閖� parti.If you discover this tale on Amazon, be aware that it has been stolen. Please report the violation.

  � Suzanne. Je suis content de te revoir. �

  La voix de Tom 閠ait si faible, qu`elle dut presque porter l`oreille � sa bouche pour 閏outer la suite de ses paroles.

  � Je n`ai plus beaucoup de temps. Je dois te montrer quelque chose.

  — Attends Tom. Qu`est-ce que tu fais ici ? Pourquoi es-tu& comme 鏰 ?

  — Oh Suzanne, g閙it-il. Comme toi j`ai err� dans les t閚鑒res, j`ai cherch� � comprendre o� j`閠ais et pourquoi j`y 閠ais. J`ai voulu appr閔ender ce qui 閠ait arriv� � notre plan鑤e, car j`ai vu ce qu`elle 閠ait devenue&

  — Je&

  — Tu ne te rappelles pas ? Ce n`est rien. Moi aussi j`ai mis beaucoup de temps � me rem閙orer. Ne serait-ce que ton visage, il m`a bien fallu une centaine ann閑, alors imagine le reste&

  — Tom&

  — Comme je te l`ai dit. Le temps me manque. Je suis pourchass� par quelque chose dont j`ignore l`identit�. Nos conversations ne seront que& br鑦es et furtives, je le crains. Si tu cherches � comprendre ce qu`il s`est pass�, laisse-moi te donner un 閘閙ent dont j`ai fait la r閏ente d閏ouverte.

  — Montre-moi. �

   De sa main droite presque form閑, Tom toucha la tempe de la jeune femme. C`閠ait l`endroit o� elle poss閐ait son implant qui jusqu`� pr閟ent 閠ait rest� muet. Une boule de plomb se d関eloppa dans son estomac et un 閏lair aveuglant lui br鹟a la r閠ine.

  NeoParis et ses lumi鑢es n`閠aient plus qu`un lointain souvenir lorsque Suzanne sortit enfin de la gare de Bruxelles/Europa City. L`a閞otube lui faisait g閚閞alement cet effet. Son cerveau n`avait toujours pas pris l`habitude de parcourir pr鑣 de quatre cent cinquante kilom鑤res en moins de vingt minutes.

  Guid閑 par le syst鑝e d`orientation que lui fournissait son implant temporal, elle rejoignit les portiques de s閏urit� et r閏up閞a son sac � dos. Un andro飀e au visage f閙inin lui tendit en imitant un sourire. Il lui souhaita une bonne journ閑 dans huit langues diff閞entes qui lui furent traduites automatiquement par un programme sp閏ifique.

  Les couloirs et les escalators qui menaient au m閠ro souterrain n`閠aient qu`un d閒il� de publicit閟 plus color閑s et agressives les unes que les autres. Sous la lumi鑢e des 閏rans haute d閒inition, personne ne faisait attention � l`arrestation muscl閑 qui avait lieu au d閠our d`un corridor.

  Soudainement, un drone de la police la fit stopper net. Ses gyrophares bleu et rouge lui 閎louirent les yeux qu`elle camoufla derri鑢e son bras droit.

  � Veuillez retirer votre bras. Ceci est un contr鬺e d`identit�, crissa un petit haut-parleur situ� au-dessus d`une lentille optique grosse comme un Sil.

  — Excusez-moi, lui r閜ondit Suzanne en veillant � bien 閏arquiller les yeux.

  — Le tort est partag�, Suzanne Courtois. N閑 le 24 juin 2069 � Angoul阭e. Navr� pour le d閞angement. Bonne journ閑 � vous. �

  L`鈍e des corporations avait miraculeusement rendu les drones plus polis que la moiti� de la population de la plan鑤e.

  Le contr鬺e r閠inien termin�, le dro飀e fit tourner ses moteurs � plein r間ime puis s`engouffra dans un autre tunnel. Suzanne reprit alors sa route.

  Les panneaux d`affichage indiquaient un prochain train dans deux minutes. Son syst鑝e d`orientation le corrigea en trois minutes avant qu`une petite alerte sonore lui pr閏isa la mise � jour de son fil d`actualit�.

  Le sujet sur un groupe de hackers laissa place � l`information du jour : l`audition de Tom Lionheardt allait commencer dans quelques heures au Grand Parlement Europ閑n sous la supervision des Nations Unies. Suzanne pressa le pas et rejoint finalement le quai de la station.

  Le m閠ro souterrain d`Europa City ressemblait � ceux que l`on pouvait trouver dans les vastes villes asiatiques. Il 閠ait propre, bien 閏lair� et silencieux. Apr鑣 plusieurs minutes de trajet, son implant l`invita � descendre. Elle 閠ait arriv閑 au Parlement, cet imposant cube de verre bleut� de cinquante 閠ages.

  Ce jour-l�, le drapeau des Nations Unies flottait aux c魌閟 de la couronne � trente-six 閠oiles. Il faisait chaud, mais le soleil 閠ait masqu� derri鑢e les gigantesques tours des conglom閞ats internationaux et interplan閠aires, dont celle de la Lionheardt. Aegon Limited, Hanzo-Kobayashi, Novan-Kamiru, RenaultCAR, H3l4n, MiliCorp, SpaceX, Boewer&Fetch& toutes surplombaient cette instance diplomatique 間ar閑 en plein cSur du second quartier financier au monde. Le troisi鑝e du syst鑝e solaire.

  Une mar閑 humaine se rassemblait devant l`閐ifice. Les slogans et les pancartes exigeaient des accords sur le climat. Un monde plus juste. La fin de la pr閏arit�. L`arr阾 de la cryog閚ie forc閑 d`opposants politiques.

  Une alerte apparue sur le coin gauche de son champ de vision. C`閠ait un message de Tom. Il lui demandait de ses nouvelles et lui annon鏰 que J閞icho 閠ait partie � sa rencontre. L`interface dispens閑 par son implant r関閘a un plan de la place. Devant les contr鬺es de s閏urit�, un point orange clignotait.

  L� l`attendait J閞icho qui, malgr� ses yeux mauves de robot militaire, n`閠ait pas un andro飀e au sens strict du terme. Comme Tom aimait s`en vanter, sa cr閍tion poss閐ait une IA d閏entralis閑 unique en son genre. Cette derni鑢e op閞ait depuis les serveurs g閛stationnaires de la Lionheardt. Elle n`avait pas acc鑣 � toutes les soci閠閟 de la corporation, mais elle g閞ait pour le moment les travaux que Tom estimait les plus importants.

  � Bonjour Suzanne. Avez-vous fait bon voyage ? lui demanda poliment le pantin d`acier.

  — Bonjour J閞icho. Ne vous ai-je pas trop fait attendre ?

  — Juste assez pour que je puisse compter le nombre d`oiseaux. �

  La r閜onse 閠ait 閠onnante, mais Suzanne n`osait pas imaginer comment fonctionnait l`esprit d`une IA.

  � Il n`y en a malheureusement que quatre. �

  La jeune femme sourit tristement. L`閙otion dans la voix de J閞icho n`閠ait qu`un programme. Mais un programme anormalement bien con鐄.

  L`andro飀e l`invita ensuite � gravir les marches du Parlement. Plusieurs drones de s閏urit� vinrent voleter au-dessus de leurs t阾es, mais J閞icho les chassa d`un geste de la main. Un officier humain haussa les sourcils puis reprit ses contr鬺es. La Lionheardt, comme toutes les autres corporations, 閠ait ici chez elle.

  � Thomas se sent pr阾 ? Il ne m`a parl� que succinctement de son projet. Je ne le crois pas en lien avec ce pour quoi il m`a recrut� il y a quelques mois. J`ignore moi-m阭e ce que je fais r閑llement ici, demanda Suzanne apr鑣 avoir pass� les portes de verre automatiques.

  — Thomas vous appr閏ie beaucoup. Depuis que sa course aux 閠oiles est en stand-by, ce projet est le plus important de sa vie. J`en suis m阭e quelque peu jaloux. �

  J閞icho grima鏰. Le programme g閞ant ses zygomatiques avait d� rencontrer un probl鑝e, mais le r閟ultat mit tout de m阭e Suzanne mal � l`aise. L`IA le remarqua et sa marionnette r閍justa ses traits.

  � Sais-tu pourquoi il m`a fait venir ? �

  Ralentissant sa marche, J閞icho tourna de nouveau son regard vers Suzanne. Ses yeux mauves la sond鑢ent. Il sourit, mais cette fois-ci sans accrocs.

  � Entre nous, je pense qu`il avait besoin de vous aupr鑣 de lui. L`exercice est d閘icat. Une pr閟ence famili鑢e et amicale 閠ait n閏essaire. �

  La mont閑 fut br鑦e. Les portes de l`ascenseur s`ouvrirent et J閞icho la guida � travers un couloir plus 閠roit. Ils crois鑢ent plusieurs diplomates ainsi que les responsables de lobbies influents.

  Sur les 閏rans fix閟 aux murs, le Directeur G閚閞al des Nations Unies, un homme grand � la peau brune et � l`improbable chevelure grise, 閠ait au pupitre. Il parlait du r閏hauffement climatique et de l`閘関ation du niveau des mers qui avaient ray� de la carte la moiti� des Pays-Bas l`hiver dernier.

  Elle ne put entendre la suite du discours. J閞icho avait d閟ormais acc閘閞� le pas jusqu`� une porte au bout du couloir. Celle-ci 閠ait gard閑 par deux andro飀es au visage f閙inin de la Lionheardt.

  � leur c魌� se tenait un homme large aux bras de m閠al dissimul� sous un costume au go鹴 navrant. Le gorille grima鏰, d関oilant rides et cicatrices chirurgicales. Suzanne se demanda ce qu`il restait d`organique chez lui. Derri鑢e eux, trois drones de s閏urit� 閠aient apparus de nulle part.

  � La foule dehors les rend nerveux, dit J閞icho avant de laisser place � la scientifique. Et les andro飀es militaires ne sont pas admis au sein du Parlement. �

  � l`int閞ieur, Tom se tenait debout derri鑢e un bureau de verre surcharg� de dossiers et d`ordinateurs portables. Il rev阾ait un costume vert-de-gris en col mao. Il avait enfil� les lunettes qu`il gardait pour les grandes occasions. Un cadeau de son p鑢e.

  � la vue de Suzanne, le milliardaire sourit avant d`arr阾er d`un geste de la main l`hologramme qui 閙anait du projecteur mural. D`un autre geste, il 閠eignit l`閏ran de t閘関ision situ� sur sa droite.

  � Suzanne ! Enfin ! s`exclama Tom. Je t`en prie, installe-toi. �

  Avant de faire le tour de son bureau, son h魌e d閟igna un fauteuil en faux cuir et lui proposa dans la foul閑 un verre de jus, ce qu`elle refusa.

  La derni鑢e fois qu`ils s`閠aient vus en personne remontait � l`閠� quand Tom 閠ait pass� entre deux coups de vent � son laboratoire. Depuis, 鏰 avait 閠� le silence radio.

   Thomas avait l`habitude de dispara顃re pendant des p閞iodes prolong閑s et reprendre une conversation interrompue des mois auparavant � l`endroit m阭e o� celle-ci s`閠ait arr阾閑. Pour Suzanne, cela avait 閠� l`un des premiers motifs de leur rupture.

  � Je suis vraiment navr� de te faire venir de Suisse pour 鏰. D`autant que nous aurions pu nous revoir � Lucerne avant tout& tout ce tapage.

  — Pourquoi suis-je l�, Tom ?

  — Diantre, Suzanne. Tu appr閏ies enfin la Suisse � ne plus vouloir la quitter. �

  Elle le fusilla du regard.

  � Tu ne consultes jamais les infos ? La crise est mondiale. Notre bien trop petite plan鑤e se meurt �, dit Tom en rallumant le projecteur holographique.

  Sur le bureau apparaissaient d閟ormais les Alpes suisses. Suzanne reconnut la ville de Lucerne et celle d`Altdorf. Sous la montagne du Dammastock se dessinaient les plans de l`immense complexe souterrain. Mais celui-ci comprenait de nouvelles annexes aux proportions titanesques.

  � Ce que je cherche � b鈚ir touche chaque continent. En plus du Dammastock, j`ai entam� la construction d`infrastructures dans le d閟ert du Mojave et aux abords de Lhassa, pr鑣 du centre d閖� existant.

  — Il fut difficile de convaincre les Chinois, mais le Tibet leur convenait, commenta J閞icho.

  — Que souhaites-tu fabriquer ? Pourquoi le pr閟enter ici, avec l`ONU ? �

  Une 閠incelle apparut dans les yeux de son interlocuteur. Suzanne connaissait ce regard et il pr閏閐ait l`exercice pr閒閞� de son ancien petit ami : le long monologue proph閠ique. Elle avait ouvert la boite de Pandore.

   � Tu te souviens de ce qu`on disait sur l`horizon 2050 ? Puis 2100 ? Un mirage ! D`ici 2150, peu importe le nombre de colonies sur Mars. Peu importe si la NASA, le PCC ou l`agence europ閑nne atteignent la ceinture d`ast閞o飀es, car nous serons tous morts.

  — Vas-tu enfin m`annoncer ce dont il est question ? �

  Il d閟igna alors l`hologramme.

  � Des fus閑s. De gigantesques engins balistiques � hydrofuel. �

  Les annexes du complexe comportaient un silo. Le plus gros silo que la jeune femme ait 閠� donn� de voir. Celui-ci portait le nom symbolique de Josias-01. Puis, l`hologramme se volatilisa et une autre image en trois dimensions commen鏰it � charger.

  � Comment pourraient-elles r間ler le r閏hauffement climatique ? demanda Suzanne. Tu as repris ce projet fou de tous nous envoyer d閞iver dans le vide � la recherche d`un Nouveau Monde ? �

  Thomas pouffa. Son Arche de No� du XXIIe si鑓le n`閠ait donc visiblement pas le sujet de leur discussion. Il 閠ait d閒initivement pass� � autre chose et cela 閠ait plut魌 curieux.

  Les plans du complexe souterrain avaient d閟ormais totalement disparu et la plan鑤e bleue apparut, flottant dans les airs � quelques centim鑤res de la surface du bureau occup� par Tom.

  D`un geste de la main, il zooma sur les diff閞ents sites de lancement, d`abord la Suisse puis les 蓆ats-Unis et enfin le Tibet. De la base chinoise se dessina un trait lumineux qui monta dans la stratosph鑢e. Josias-03 ressemblait � une t阾e atomique boursoufl閑. Arriv閑 � quarante-cinq kilom鑤res d`altitude, il explosa lib閞ant une myriade d`閠incelles.

   L`hologramme mit ensuite en relief la structure chimique de cette pluie d`閠oiles. C`閠aient des compos閟 dont Suzanne ignorait l`existence. Il y en avait des quantit閟 consid閞ables.

  Un calcul se r閍lisait en arri鑢e-plan. Une fois que le ciel fut recouvert de son nouveau manteau de constellations, la temp閞ature de la plan鑤e se stabilisa. Elle 閠ait d閟ormais retourn閑 � l`鈍e climatique pr閏閐ent la p閞iode industrielle.

  Finalement, la simulation se d閞間la et Tom 閠eignit le projecteur.

  � Ce n`est pas encore tr鑣 閝uilibr�, mais c`est le mieux que l`on peut faire pour figer la fonte des glaces en 閘iminant la presque totalit� du dioxyde de carbone par agent chimique.

  — Des fus閑s ? Ce sont plut魌 des missiles. Combien va co鹴er ce projet ? demanda Suzanne.

  — Trois fois le PIB de la plan鑤e.

  — Et de la lune. Combin閑 �, compl閠a J閞icho.

  Le terminal de Lionheardt sonna. Elle reconnut la musique, c`閠ait leur pr閒閞� � l`universit�. Un andro飀e apparut � l`閏ran. Il annon鏰 � son interlocuteur que son allocution allait commencer et qu`il devait rejoindre l`auditorium.

  Suzanne trouva curieux que la requ阾e ne se fasse pas directement via implant temporal puis elle se rappela que son ancien petit ami n`aimait pas que n`importe qui rentre dans sa t阾e.

  � Et donc ? Pourquoi me faire venir ? demanda Suzanne tandis que Tom rangeait l`un de ses P.C.

  — Ce projet n`est que la premi鑢e pierre de l`閐ifice. L`un des sommets du triangle ! r閜ondit-il en d閟ignant les ordinateurs et feuilles de notes qui jonchaient encore le bureau. La suite du plan d閜endra en grande partie de toi.

  — De moi ? � s`閠onna Suzanne.

  Face � la fen阾re, Tom r閍justait le col de son costume. Il d間lutit puis pris la parole :

  � Comment avancent tes travaux ? Le complexe du Dammastock te pla顃 ? �

  � Le programme progresse, oui. Les projections sont bonnes. Tout le monde se d閙鑞e& et sans IA pour fureter dans nos dossiers nous nous en sortons tr鑣 bien. Je ne vois cependant pas le lien avec tes fus閑s& �

  Fixant la vitre, Tom se frottait d閟ormais la tempe. Suzanne eut la curieuse impression que du sang constellait maintenant le bout de ses doigts.

  Il toussa.

  � Tout va bien Tom ? �

  Il la fixa par l`interm閐iaire de son reflet. L`espace d`un instant, elle crut apercevoir une 閠incelle 閠range � travers son regard.

  � Un peu malade �, confia-t-il.

  Le petit 閏ran du terminal de verre clignota. L`andro飀e r閍pparut, mais Tom coupa la transmission.

  � Suzanne, reprit-il. Je ne t`ai pas fait venir ici pour que tu me valides que notre projet commun 閠ait en bonne voie. J`aurais pu le faire en holoconf閞ence. Et pour 阾re honn阾e, je connaissais d閖� la r閜onse. �

  Il marqua une pause.

  � Reste pour le discours. J`ai besoin de te voir dans la salle. Je t`en conjure. �

  Il lui sourit et elle se rendit compte � quel point ce sourire lui manquait. Elle crut apercevoir des larmes aux creux de ses yeux bleus.

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