CHAPITRE 24 : SUZANNE
Il y eut un fracas. Un bruit sourd similaire � celui que pourraient produire deux plan鑤es se percutant dans le vide sid閞al pourtant 閠ernellement silencieux. Puis un raclement. Celui de la roche contre la roche, le son que donnerait la naissance d`une montagne.
Tout devint alors plus organique. C`閠ait l`閏ho d`une fusion. Deux cellules au contact l`une de l`autre. Il y avait une union, un nouvel 阾re.
Du feu et du chaos, il ne restait qu`un timide murmure. C`閠ait celui de l`eau.
Suzanne sentit la pluie sur son visage. Elle tombait sur les toits de tuiles comme un roulement de tambour. L`eau ruisselait le long des murs d閏r閜is et des trottoirs pour se perdre dans les 間outs qui d閎ordaient.
L`orage grondait. Il provenait d`au-del� les immeubles par-dessus les nuages gris et noirs. Des passants, un couple et leur enfant se mirent � l`abri sous un abribus. Une moto 閘ectrique doubla un cycliste, 閏laboussant un marchand de journaux qui se ruait en direction du passage pi閠on.
Face � elle, appuy� sur la porti鑢e du c魌� conducteur d`une voiture, un individu se prot間eait � l`aide d`un parapluie jaune.
La jeune femme croisa le regard du myst閞ieux visiteur. Il lui fit signe de le suivre et elle marcha en sa direction. Elle resta quelques m鑤res derri鑢e lui jusqu`� ce qu`il rentre dans un caf� de style parisien.
L`閠ablissement 閠ait bond�. Des habitu閟 accoud閟 au bar buvaient leurs digestifs tandis que des touristes et des hommes d`affaires occupaient les fauteuils et canap閟 le long des fen阾res. Une odeur de cigarette masquait celle du caf�.
L`un des serveurs la salua, plusieurs personnes en costumes la d関isag鑢ent.
Le visiteur lui fit signe du fond de la salle. Il 閠ait assis � une table, un chocolat viennois � la main.
� Appr閏iez-vous la pluie, Suzanne ? demanda l`homme d`une voix si grave que la cr鑝e fouett閑 de son breuvage vibra sous le poids des mots.
— Dire qu`elle n`est pas la plus douce que j`ai ressentie de toute ma vie serait un mensonge, r閜ondit celle-ci. Dommage qu`elle ne soit pas r閑lle.
— Les souvenirs sont toujours r閑ls �, poursuivit son interlocuteur apr鑣 avoir plong� ses l鑦res dans le chocolat.
Il jouait de nouveau avec elle. Depuis son r関eil des profondeurs, il n`avait jamais cess� ses devinettes et ses myst鑢es.
Pendant ce temps, un serveur lui avait apport� une boisson identique sans m阭e qu`elle l`ait command�. Elle la laissa refroidir. Face � elle, l`homme la d関isageait sans cesse, mais gardait cette fois-ci le silence.
� En connaissez-vous d`autres ? demanda alors Suzanne en portant la tasse � ses l鑦res.
— Quoi donc ? � s`閠onna l`homme en levant ses sourcils.
Ses mots sonn鑢ent faux. Il savait parfaitement vers quel chemin le guidait Suzanne.
� D`autres d閒initions de la r閍lit� ?
— 蒫lairez-moi. �
Encore une fois, l`homme se d閒ilait. Son jeu devenait lassant.
� La mort. Soit, je suis morte. Soit, nous sommes dans un programme. Et vous 阾es une intelligence artificielle. �
Son interlocuteur afficha un large sourire, d関oilant ses dents blanches parfaitement align閑s. Il ne semblait pas surpris. Reculant contre le dossier de la banquette, il croisa ses doigts avant de passer sa langue sur ses gencives inf閞ieures.
� Nous voil� deux.
— Suzanne est morte depuis tr鑣 longtemps.
— Ce n`est pas tout � fait vrai, r閜ondit l`homme.
— Quel est votre nom ?
— Pierre-Marie Kant�. �
Ce nom lui fit 閏ho bien au-del� de sa r閏ente conversation avec Byte. Suzanne Courtois connaissait ce nom. Elle l`avait d閖� vu dans les dossiers de l`ancienne scientifique. Il avait rencontr� la jeune femme avec qui elle partageait les souvenirs. Il 閠ait li� au projet Homo Novus. Il avait travaill� pour Tom Lionheardt. Cette voix, c`閠ait celle de la t閘関ision � Harvard. C`est l`homme qui parlait de la transcendance.
Mais l�, devant elle, ce n`閠ait pas Pierre-Marie Kant�. Le professeur du m阭e nom 閠ait mort il y a mille ans.
� Thomas Lionheardt 閠ait un fou, lan鏰-t-il comme s`il lisait dans les pens閑s. Cette pauvre Suzy m閞itait mieux que ce malade.
— Quel 閠ait votre lien avec elle ? Qu`avez-vous apport� aux plans de Tom ?
— Le triangle cercl�. Les trois aspects de la Nouvelle Aube. Chaque angle symbolisait un projet : Josias et ses missiles, Lazarus et la transcendance puis enfin Homo Novus et ses clones. Tous 閠aient connect閟.
— Que voulez-vous dire ?
— Les diff閞ents Josias devaient nettoyer la surface de la Terre. Lazarus devait permettre aux 閘ites, ou plut魌 Thomas, de survivre en se terrant dans le cyberespace sans limites&
— Quant � Homo Novus ? �
L`IA s`arr阾a pour tremper ses l鑦res dans son chocolat qui poursuivit :
� Suzanne avait 閠� charg閑 par Thomas de d関elopper des clones.
— Cela avait un rapport avec le d頽er dans ce taudis qu`est GrandLyon&
— Oui. Puis, plus tard, Kant� devait mener � bien le projet Lazarus. � cette 閜oque celui-ci ne travaillait plus pour la Lionheardt. Il en avait fini de fabriquer des IA folles pour Tom. H閘as& �
Il marqua une pause. Jamais elle n`avait vu d`IA devenir m閘ancolique.
� Mais c`est Suzanne qui est d`abord venue consulter Kant� ici, � Kinshasa. Elle avait besoin d`aide. Elle requ閞ait un algorithme.
— Quel type d`algorithme ?
— Thomas voulait que les clones poss鑔ent des facult閟 hors du commun qu`il 閠ait impossible d`obtenir avec ce que la biologie et la g閚閠ique avaient autrefois � offrir. Il a par cons閝uent recrut� Suzanne pour en faire des andro飀es ultra-perfectionn閟. Un m閘ange d`humain et de machineries nanotechnologiques.
— Et donc pourquoi l`algorithme ?
— C`est plut魌 compliqu�. Disons que ces premi鑢es versions d`Homo Novus manquaient de stabilit�. Le probl鑝e 閠ait qu`� l`instant m阭e o� ils ouvraient les yeux, ils 閠aient inond閟 d`informations que leur cerveau& leur esprit neuf ne pouvait comprendre. L`algorithme d`apprentissage de base pour les IA classique ne pouvait pas tout cerner&
— Vous avez donc cr殚 un nouvel algorithme d`enseignement reposant sur des souvenirs r閑ls digitalis閟. � partir de ceux de Suzanne.
— Oui, vous 阾es aussi brillante que cette derni鑢e ! Son implant, et d`ailleurs celui de tous les clones, actualisait leurs pens閑s au sein des serveurs internes du complexe secret. De ce fait, ils nourrissaient de colossaux flux de donn閑s ces algorithmes d`apprentissages nouvelle g閚閞ation. De quoi produire des esprits humains artificiels.
— Les clones masculins d閠enaient-ils les souvenirs de Tom ?
— Les clones masculins � l`effigie de Thomas n`ont jamais atteint la maturit�. En outre, peu de clones f閙inins ont surv閏u aux premiers essais.
— Je partage donc une partie de l`esprit de Suzanne. Du moins une copie des souvenirs.
— De ce fait, une partie d`elle vit en vous. Ses r閙iniscences ont conditionn� une grande part de votre caract鑢e. Et cela jusqu`� la derni鑢e seconde de sa vie.
— Vous ne me connaissez pas ! l`interrompit Suzanne.
— Oui. Car cependant& cependant vous 阾es-vous. Vous n`阾es pas Suzanne. Vos choix, aujourd`hui, sont les v魌res, se justifia-t-il en terminant son chocolat li間eois avant de reprendre :
— Quant � moi, comme vous l`avez devin�, je suis une IA. Une IA plut魌 limit閑 certes. Mais ce sous-programme est celui de Kant�.
— Vous 阾es le processus d`apprentissage ? Une IA qui transmet � d`autres IA. �
Cela ne pouvait que mal finir, pensa Suzanne.
Kant� affichait syst閙atiquement son large sourire. Comme toutes les IA convaincues d`阾re des 阾res sup閞ieurs, jouant des questionnements incessants des humains auxquels ils poss閐aient toujours une r閜onse. Mais il restait un programme. Il ne r閜閠ait que ce qu`on lui avait appris.
� Pourquoi croyez-vous 阾re ici ? reprit Kant� en commandant un morceau de tarte � la rhubarbe.
— Je me rappelle avoir transcend�. �
Les souvenirs de Suzanne 閠aient flous, mais ses derniers instants dans le monde r閑l lui serr鑢ent l`estomac. Elle n`avait pas le temps � perdre avec le jeu de Kant� et pourtant, tant qu`elle 閠ait prisonni鑢e de son programme, elle devrait se plier � ce sourire trop parfait pour n`avoir jamais exist�.
� D閟agr閍ble exp閞ience que d`imaginer son esprit d閏hir� en millions de milliards de bits et pulv閞is� � travers le cyberspace.
— Tom Lionheardt y est parvenu.
— Non, 鏰, c`est impossible. Un esprit humain ne le pourrait pas.
— Comment ? s`閠onna Suzanne qui voyait sa th閛rie partir en fum閑.
— Pierre-Marie a Suvr� la majeure partie de sa vie � cette affaire et n`est jamais arriv� � transcender un esprit humain, confia l`IA. Ce qui n`a pas emp阠h� Thomas de tester les derniers prototypes en Chine& sans succ鑣.
— Et moi alors ? �
Kant� ouvrit les bas. Il rayonnait de plaisir avec ces effets dramatiques.
� Les clones aux corps et � l`esprit synth閠ique g閚閞ation finale n`閠aient pas la fiert� de Suzanne et de Pierre-Marie pour rien ! �
Dehors, l`orage grondait encore. Il avait redoubl� de violence depuis que le programme cr殚 par Pierre-Marie Kant� avait 関oqu� la transcendance.
� Est-ce que les conversations de Suzanne avec ce Monsieur Kant� faisaient aussi mal au cr鈔e ?
— Vous n`avez pas id閑 ! �
Les gouttes qui perlaient contre la vitre 閠aient d閟ormais noires comme de l`encre. Quand Suzanne jeta un regard par-dessus son 閜aule, la totalit� des passants avait 間alement disparu.
� Ah, voil� autre chose �, reprit-il.
Un 閏lair z閎ra le ciel. La temp阾e redoubla d`intensit� jusqu`� ce que les tables de la brasserie se mettent � vibrer. Le bruit des couverts et des tasses en 閙ail devint rapidement insupportable. Kant� ne souriait plus. Sa voix 閠ait plus faible. Il tremblait lui aussi.
� Il y a un probl鑝e.
— Quel genre de probl鑝e ?
— Je ne sais pas. Je n`ai pas 閠� con鐄 pour ce genre de situation.
— Quelle situation ? De quoi parliez-vous avant l`閏lair ?
— La transcendance est achev閑. C`est une premi鑢e ! Mais& il y a une dissemblable conscience. Celle de Thomas comme la fois pr閏閐ente. Non, ce n`est d閒initivement pas Thomas. D`autres consciences.... des morceaux. Cela explique bien des choses. �
La pluie commen鏰 � s`infiltrer � l`int閞ieur du caf�. Le plafond, les murs et le sol transpiraient ce liquide noir. Ce dernier 閠ait absorb� par les 閘閙ents du d閏or comme si ceux-ci 閠aient constitu閟 d`閜onges. L`IA � l`effigie de Pierre-Marie Kant� avait disparu.
� Un humain dans la machine ? � fit une voix lointaine.If you find this story on Amazon, be aware that it has been stolen. Please report the infringement.
Le panafricain avait c閐� sa place � un homme au visage bl阭e. Il 閠ait assis sur un banc qui avait remplac� la banquette du caf�. Un banc de bois blanc semblable � ceux de l`universit� que l`ancienne Suzanne avait fr閝uent閑 autrefois en Nouvelle-Angleterre.
� Ah non. Ce n`est que vous, Suzanne. �
Elle avait aussi c魌oy� cet homme. Un grand gar鏾n aux cheveux bruns. Ses yeux n`閠aient plus bleus, mais d`un mauve mena鏰nt.
� Tom ? � demanda une voix qui n`閠ait pas la sienne.
Elle provenait d`ailleurs. De partout � la fois. Elle n`閠ait plus rattach閑 � ce corps qui reposait sur l`herbe fra頲he.
Suzanne prit une profonde inspiration pour se donner du courage. Elle devait se relever. Mais ses poumons ne se remplirent d`aucun air.
Elle 閠ait d閟ormais � la terrasse d`un restaurant. Elle se tenait � la table avec en face d`elle toujours le m阭e homme. Tom Lionheardt. Il lui sourit.
� Tom ? O� sommes-nous ? Ce n`est plus Kinshasa. O� est Pierre-Marie ? Je veux dire son IA& �
Chaque mot 閠ait une 閜reuve � formuler.
Elle flottait vers le n閍nt, quelque part, mais ne semblait jamais atteindre Tom. Ils 閠aient face � l`autre sans l`阾re. La table, les chaises et les couverts disparurent dans une bourrasque.
Elle 閠ait dehors. Tom se tenait � ses c魌閟. Il faisait nuit. � la place des 閠oiles dansait le cyberespace. Il 閠ait similaire � ses visions avec les plan鑤es et les complexes. Tout 閠ait cependant plus infini et resplendissant. Partout s`閠endaient des galaxies de lumi鑢es dans un vide sid閞al argent� o� se dessinaient les autoroutes virtuelles du cyberespace.
Cube de verre et de m閠al, l`infrastructure virtuelle de la Lionheardt Corporation d閞ivait dans le n閍nt. Sa force gravitationnelle l`attirait.
� Enfin& �
Il lui avait saisi la main.
� Il m`aura fallu mille ans, mais j`y suis arriv�. �
La peau de Tom se dess閏ha et Suzanne l鈉ha un cri d`horreur. Les cendres de son amant se perdirent dans l`espace jusqu`� rejoindre le complexe de la Lionheardt. De ses surfaces, des tentacules mauves attiraient � lui les ruches et les fragments qui orbitaient trop pr鑣.
Tel un monstre affam�, l`entit� ingurgitait tout ce qui se trouvait sur son passage. Les donn閑s d`un autre centre souterrain de la Lionheardt furent rapidement sa prochaine cible.
� Qu`est-il en train de faire ? � cria Suzanne.
Une bouche immonde s`ouvrit au milieu de l`une des faces de la Lionheardt. D`autres complexes s`y perdirent � jamais, broy� par une m鈉hoire sans dents.
Ce fut finalement la voix de Byte qui lui r閜ondit :
� Suzanne ? Tu es en vie ?
— Byte ! �
La technomancienne apparut � ses c魌閟. Elle l`avait rejoint dans le cyberespace.
� Cette chose, Suzanne& Thomas Lionheardt. � l`instant m阭e o� la connexion a 閠� r閍lis閑 entre ce complexe secret et le monde ext閞ieur, une entit� est n閑 de la fragmentation de milliards de donn閑s. Et puis elle s`est mise � d関orer le cyberespace ! Depuis, elle ne cesse de cro顃re ! �
Un souffle chaud s`閏happa des entrailles du monstre d`o� r閟onn鑢ent les cris de milliers d`univers � l`agonie. Les informations et les programmes prisonniers de cet enfer souffraient. Elle n`aurait jamais cru 鏰 possible.
� Quand Kant� et Courtois vous ont construit, clone Novus, ils n`auraient jamais pens� que vous alliez aussi loin. Pour un r閟idu d`閜rouvettes, vous avez au moins le m閞ite d`阾re exceptionnellement ent阾閑.
— Qui parle ? Lionheardt ? � rugit Byte.
Ses cheveux jusqu`ici rouges devinrent magenta et s`閘ectris鑢ent de col鑢e. Sur sa peau blanche rayonnaient ses tatouages.
� Il est trop tard, Suzanne. �
Elle fut alors attir閑 vers l`enchev阾rement de complexes. Byte quand, � elle, fut expuls閑 au loin.
� Je r閍lise un r陃e. Et je n`allais pas laisser cette mis閞able IA d関elopp閑 par Pierre-Marie divaguer davantage.
— Qui es-tu ? demanda Suzanne qui ne reconnaissait plus l`homme qu`elle avait connu.
— Un r陃e. Une entit� nouvelle et surpuissante, fusionn閑 avec le cyberespace lui-m阭e. Au-del� de toutes les inepties du genre humain d閟ormais.
— Alors, pourquoi rayer de la carte l`humanit� ? Pourquoi toute cette haine envers les hommes, Thomas ?
— Thomas ? �
Son rire r閟onna dans le cyberespace tout entier.
Son interlocuteur se mat閞ialisa sous la forme d`un homoncule de cendre depuis l`une des surfaces agonisantes de la Lionheardt.
� Haine ? Non ce n`est pas le mot& ce n`est qu`une simple pr閏aution, poursuivit-il. Les Hommes 閠aient vou閟 � leur chute. Mais, dans cette derni鑢e, ils voulaient emmener leur monde, et nos r陃es avec. Mais cela n`est plus d`actualit�. �
Les cendres cherch鑢ent du soutien contre l`une des surfaces du cube. Elles ressemblaient de plus en plus � un 阾re humain. Un 阾re humain de la taille d`un g閍nt.
� Et pourquoi donc ? �
Furieuse, Suzanne prit appui contre l`ultime ast閞o飀e en perdition � sa disposition. Elle baignait d閟ormais dans le vide avec comme inertie son seul 閘an.
� Aujourd`hui, pas un simple sapiens, un hacker, ni un& technomancien ne pourrait rivaliser. Je suis un tout, d閜ourvu de l`absurdit� de la chair comme du m閠al. Une nouvelle phase n閏essaire au genre humain, car je suis toujours en partie humain malgr� tout. �
Le menton nonchalamment pos� au creux de sa paume, le Thomas de cendres suivait avec amusement la minuscule Suzanne.
� N閍nmoins, je ne suis pas hors mati鑢e. Les serveurs et les infrastructures n閏essaires � la prolif閞ation de mon code ne vont pas s`entretenir tout seuls. Nos sondes et satellites nous l`ont prouv�, l`information peut voyager � travers l`espace et le temps, � condition d`avoir le mat閞iel n閏essaire& �
Pendant les explications de l`entit�, Suzanne tentait toujours se frayer un chemin jusqu`� lui. Bloc apr鑣 bloc, ruche apr鑣 ruche.
� Les clones 閠aient pr関us pour 鏰 ? demanda le Suzanne qui fit le rapprochement entre les diff閞ents 閘閙ents du projet Nouvel Aube.
— Homo Novus ? Oui. Plus fiables. Plus efficaces. Les humains sont trop 間ocentriques, ils ne r閒l閏hissent que par leurs individualit閟 et essaient d`閐ifier une soci閠� comme un ch鈚eau aux pierres in間ales. Ils sont destin閟 � mourir sur leur plan鑤e mis閞able. Les Novus devaient passer cette barri鑢e, agir pour le bien commun et b鈚ir ensemble une seule volont�.
— C`est si& triste.
— Peut-阾re. Je ne dis pas que c`est cens� ou m阭e 閝uitable. J`annonce juste qu`� force de r閒lexion, la raison m`a bel et bien pouss� vers cette solution. Une esp鑓e am閘ior閑 unie. Une esp鑓e v閞itablement capable de prendre d`assaut les 閠oiles et faire face aux diff閞entes menaces qui devaient survenir. �
Thomas& tout 鏰 pour partir te perdre dans le cosmos& quitte � laisser la plan鑤e et ses habitants derri鑢e toi. Non, c`est impossible !
Son interlocuteur fit une pause. Ses derni鑢es paroles 閠aient chevrotantes, comme s`il 閠ait 閙u par son propre discours. Il reprit enfin :
� Mais nous nous contenterons des humains le temps de remettre en route la suite du programme. Cette& imparfaite Inquisition est plut魌 z閘閑. Eux ne gaspillent pas l`oxyg鑞e, c`est s鹯& �
D`une main gargantuesque, le Thomas corrompu enveloppa Suzanne. Ses efforts pour se lib閞er furent vains. Elle 閠ait d閟ormais � la merci du monstre.
� travers sa peau grise transparente, elle aper鐄t ses veines transportant son code comme le sang d`un 阾re de chair.
Il serra ses phalanges. La contraction de ses muscles agita ses lignes de codes qui d閒il鑢ent � toute allure. Parmi elles baignait Tom. Un Tom d`apparence de chair et de sang, le sourire aux l鑦res. En lui elle reconnut l`homme qu`elle avait c魌oy�. C`閠ait l`adolescent dont elle 閠ait tomb閑 amoureuse. Du moins un fragment de lui, transport� dans le flot d`informations.
� L�. � murmura-t-il en pointant du doigt une tache jaune parmi la mer de donn閑s.
Un parapluie jaune.
Comment peut-il voyager de la sorte& un programme ? Un lambeau de code.
� D`un parasite organique tu es d閟ormais devenu un virus humano飀e insignifiant au moins aussi facile � d閠ruire, poursuivit le colosse d関astateur d`une voix m閠allique. C`est ridicule et pourtant si& extraordinaire. Les humains sont tellement pleins de ressources. Quel dommage, vraiment. �
Ici, dans le cyberespace, une conscience humaine n`閠ait que spectatrice. Mais selon Pierre-Marie Kant�, ou plut魌 son IA, elle n`閠ait pas une conscience humaine. Elle 閠ait synth閠ique.
� Je ne suis pas un humain ! � cria-t-elle en s`enfon鏰nt � travers les mains de son ge鬺ier.
Remontant le flux de donn閑s, elle fon鏰 en direction du parapluie jaune qui venait � sa rencontre.
� Qu`est-ce tu racontes ? grogna l`entit� en agrippant le cadavre vid� de la Lionheardt qui flottait d閟ormais � port閑. Vraiment ? Alors pourquoi te bats-tu contre moi ? Tu devrais me comprendre ? Pourquoi ne me rejoins-tu pas ? Fusionnons et allons d閏ouvrir les confins de la galaxie. �
Et puis quoi encore ?
� O� es-tu donc pass閑 ? �
莂, elle-m阭e Suzanne l`ignorait. Tout s`閠ait d閞oul� si vite quand elle avait cramponn� de ses mains ce qu`elle identifia comme un virus.
� Tu n`es pas Thomas. Je sais qui tu es.
— F閘icitations, tu es ind閚iablement moins limit閑 que la Suzanne Courtois que j`ai bien connue. Je n`en attendais pas moins&
— Tu es J閞icho !
— En partie. Qu`est-ce que cela change ?
— Cela change que Pierre-Marie Kant� t`a cr殚. �
Suzanne 閠ait dans un simulacre de syst鑝e sanguin. � en croire la forme, elle devait 阾re dans une art鑢e. Pompant son 閚ergie, le parapluie filait droit dans sa direction.
� Mais que fais-tu bon sang ? mugit J閞icho qui venait de d閠ecter sa pr閟ence inopportune en son sein. Arr阾e de bouger ! �
Suzanne se sentit vid閑 et elle eut de plus en plus de mal � maintenir le programme. Tous d`eux arriv鑢ent pr鑣 du cSur et le parapluie perdit de la vitesse.
Puis, soudain, il s`immobilisa brusquement. La main de m閠al de J閞icho transper鏰 son propre corps et emprisonna une nouvelle fois Suzanne qu`il broya.
C`est fini& je ne suis rien ici&
L`espoir revint avec l`intervention de Byte. Arm閑 d`un sabre de lumi鑢e, elle sectionna les griffes de l`entit�. Suzanne 閠ait lib閞閑 de son emprise.
� Byte ! Tu es de retour. � s`exclama Suzanne.
Mais la technomancienne l`avait d閖� saisi par le bras. Traversant le cyberespace soumis au chaos, elles se cach鑢ent au creux d`un complexe rouge � moiti� d関or�.
� F閘icitations. Te voil� pour la premi鑢e fois dans le cyberespace ! Et quel bapt阭e, dit Byte hors d`haleine.
— Que s`est-il pass� ? J`閠ais s鹯e de l`avoir, se maudit Suzanne.
— Tu as le parapluie ? � demanda son interlocutrice.
Dehors, un grondement sourd indiquait l`arriv閑 de J閞icho. Suzanne lui tendit le parapluie jaune, mais celui-ci refusait de se d閏oller de sa paume.
� Les hackers, cela te dit quelque chose ? � retentit la voix de Byte dans les entrailles du complexe rouge.
Tenant entre ses doigts le parapluie, elle avait plong� la main gauche dans le conglom閞at qui se d閟agr間eait petit � petit.
Dehors, J閞icho martelait le complexe de ses poings.
� Il n`y a jamais eu de groupe de hackers. C`閠ait Pierre-Marie Kant� qui avait pr関u des br鑓hes au cSur m阭e du conglom閞at et au cSur m阭e de J閞icho. J`ai r閡ssi � acc閐er � son serveur priv� gr鈉e aux nombreux codes du disque dur fourni par Erol, ce fut une v閞itable mine d`or& �
Le complexe rouge se d閏hira en deux. J閞icho venait d`appara顃re au milieu des d閎ris. Elles 閠aient toutes les deux comme deux fourmis, � la merci d`un psychopathe arm� d`une loupe.
� Tu es le virus, Suzanne.
— Quoi ? s`閠onna cette derni鑢e, le parapluie toujours soud� au creux de ses doigts.
— Pour d閠ruire une IA aussi complexe, Pierre-Marie se devait de composer un virus des plus puissants. Guid� par un programme sp閏ial, au sein m阭e du syst鑝e, il devait frapper Thomas ou& J閞icho au cSur. Au cSur du programme de transcendance. Comme toi, leur esprit digitalis� ne tient qu`� un fil.
— Mais pourquoi moi ? s`indigna Suzanne qui comprenait maintenant pourquoi elle int閞essait tant J閞icho et ses adeptes de l`Inquisition.
— Le virus est d`une subtilit� telle que seuls les Homo Novus et leur esprit synth閠ique 閠aient en mesure de le transporter, de le cacher et de l`utiliser en cas de d閒aillance de la Lionheardt.
— Des 阾res artificiels garants de l`avenir, pr阾 � d閠ruire la menace qu`閠ait leur propre cr閍teur. Je ne pense pas que Thomas aurait aim� 鏰.
— C`est beau n`est-ce pas ? C`est en tout cas s鹯 et certain que Kant� ne lui faisait vraiment pas confiance, plaisanta Byte avant de s`arr阾er contre les flancs d`un complexe gravitant autour d`une ceinture de donn閑s solitaires. Et aussi pourquoi l`Inquisition te poursuit. �
Derri鑢e, J閞icho traversait l`espace et le temps, engloutissant tout ce qui passait � porter.
� De toutes les IA qui pouvaient devenir cingl閑s, il a donc fallu que ce soit celle de la Lionheardt& celle de Thomas Lionheardt, grin鏰 Byte.
— Plus elles sont intelligentes, plus elles sont dangereuses.
— Je ne veux pas te blesser, Suzanne, mais& je pense plut魌 qu`elles ne sont que le reflet que de leur cr閍teur& ou ma顃re. Cette entit� fractur閑 entre le complexe scell� et le cyberespace pendant mille ans est en tout cas autant J閞icho que Thomas si j`en crois les fichiers de r閟ultats de transcendance que je viens de traduire du chinois. �
Suzanne ne pouvait en croire davantage. Thomas l`avait guid閑 jusqu`ici. Il s`閠ait blanchi ! L`ennemi ne pouvait donc 阾re que J閞icho&
Oui& J閞icho&
� Merci pour tout Byte. Sors d`ici tant que tu le peux.
— N`oublie pas l`arch閛logue ! � conclut finalement Byte en disparaissant dans le cyberespace.
Suzanne fit volte-face et s`閘an鏰 alors vers J閞icho. La br鑓he de Kant�, le parapluie jaune, la transporta comme une fus閑.
J閞icho la fixa de ses yeux mauves. Il ouvrit une bouche 閚orme, semblable � un trou noir qui aspira la lumi鑢e et la technomancienne.
Pourquoi m`accueille-t-il de la sorte ? Ne voit-il pas que je vais le d閠ruire ?
� Si, mais il ne craint rien. Son programme a trop 関olu� et m阭e les petites manigances de ce parano颽que de Kant� ne changeront rien. �
C`閠ait la voix de Tom.
� Tom ?! cria Suzanne. Tom, o� es-tu ?
— Droit devant. Surtout, ne t`interromps sous aucun pr閠exte. �
Le corps de Thomas Lionheardt se tenait sur la trajectoire. Les bras 閏art閟, il 閠ait pr阾 � recevoir le coup en plein cSur.
Suzanne ralentit, de peur de frapper son ancien compagnon.
� Ne t`arr阾e pas Suzy. Cette entit� est la fusion de ma volont� et de celle de J閞icho. D`un homme perdu dans ses r陃es et d`une machine trop ent阾閑 pour se rendre compte que tout ceci est une erreur. Tue l`homme. Tue le maillon faible et tout s`閏roulera. �
Il soupira.
� Suzy, fonce. Fonce et r閐uit � n閍nt cette transcendance. Fonce comme si tu voulais atteindre Alpha du Centaure. �
Suzanne serra les poings et reprit sa course, aveugl閑 par la rage et la col鑢e. Elle transper鏰 alors le monstre jusqu`� son code source.
Il eut ensuite un hoquet. Son corps commen鏰it � 阾re emport� dans la mer de donn閑s.
� Absurdes m閏r閍ntes ! Vous venez de signer l`arr阾 de mort de tout ce qui vous 閠ait cher. �
Et ce fut comme si le cyberespace s`effondrait sur lui-m阭e.